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Entretien
avec Bruno Drweski, directeur de la publication de la
Nouvelle Alternative |
Quelle est l'origine de la revue "La
Nouvelle Alternative" et quelles sont ses grandes orientations
?
Notre revue a vu le jour au milieu des années 1980,
à l’époque du “socialisme réel”,
période au cours de laquelle il était indispensable
de développer une analyse sur les pays du bloc soviétique
qui sorte des argumentations idéologiques officielles.
Il fallait donner la parole à tous ceux qui vivaient
cette situation concrète et qui réfléchissaient
sur leurs sociétés hors du cadre contraignant
de la Guerre froide, et qui dans beaucoup de cas, n’avaient
aucun moyen de se faire entendre dans les médias de leurs
pays, et souvent à l’étranger. Aujourd’hui,
après les changements de 1989-1991, la situation a été
totalement modifiée, ce qui a nécessité
un renouvellement complet de nos critères de sélection
et de nos rubriques. Nous estimons cependant que, la situation
actuelle n’a pas fait disparaître la lecture idéologique
pour autant, et j’oserais même dire que nous sommes
peut-être passés d’une logique binaire simpliste,
à une logique uniforme. Il faut donc continuer à
donner la parole à ceux des chercheurs ou des acteurs
sociaux, dans les pays de l’Europe du centre et de l’Est,
mais aussi d’autres parties du monde, qui peuvent développer
des analyses pertinentes et critiques sur la réalité
des sociétés post-socialistes, et des blocages
auxquels elles se heurtent.
Votre revue est remarquée pour ses
positions engagées. Cela n'introduit-il pas des biais
dans l'analyse des situations vécues dans l'Europe post-communiste
? Comment ce dilemne est-il géré par le scientifique
que vous êtes ?
La démarche scientifique, y compris dans les humanités,
ne consiste pas à refuser de prendre position en tant
que citoyen, elle consiste à tenter de prendre du recul
dans la recherche par rapport à ses propres points de
vue, et à donner aux autres la possibilité d’examiner
une situation en questionnant la pertinence des cadres préétablis,
de n’importe quel cadre, en remettant en cause “par
principe” toute “vérité décrétée
une fois pour toute”, idéologique, philosophique,
scientifique, sociale, économique. La condition nécessaire
pour tendre vers la vérité est de laisser place
à des analyses contradictoires, en privilégiant
toujours celles qui ont le moins de possibilités de se
faire entendre au moment où nous écrivons. Notre
équipe regroupe d’ailleurs des chercheurs ayant
des opinions différentes et vous pouvez constater que
nous avons donné la parole dans nos pages à des
auteurs représentant une large palette d’opinions.
Toute l’histoire humaine nous enseigne que les vérités
“incontestables” d’aujourd’hui, quelqu’elles
soient, sont souvent les mensonges de demain, et que les pensées
marginales d’aujourd’hui deviennent avec le temps
les évidences de demain. L’exemple du “socialisme
réel” en Europe de l’Est constitue, à
cet égard, la preuve magistrale de cette réalité,
et c’est sans doute cette expérience qui explique
pourquoi ces sociétés continuent à présenter
un intérêt particulier. C’est en tout cas
notre avis.
Vous avez beaucoup étudié
le malaise social consécutif à la transition vers
l'économie de marché en Europe centrale et orientale.
Quelles en sont selon vous les causes ?
Bien entendu cela varie selon les pays, les régions,
les milieux sociaux, etc. Dans l’ensemble cependant, on
peut dire qu’il y a des causes historiques très
anciennes (prédominance tardive de la ruralité,
second servage, industrialisation difficile, absence d’Etats
légitimes, cloisonnements divers, agressivité
des puissances extérieures, ravages de la Seconde Guerre
mondiale, etc.). Il y a des causes plus récentes (rigidité
du système socialiste, inconséquences du système
de planification administrative, blocus technologique des pays
de l’Est pendant la Guerre froide, répressions
de la créativité, émergence d’une
couche de parvenus, etc.). Il y a enfin des causes actuelles
(nouveau dogmatisme idéologique des élites parvenues,
désagrégation de tous les repères anciens
et récents, fuite en avant dans le laisser-faire du marché
“miracle”, corruption mal contrôlées
des élites, pressions et lobbying pas toujours justifiées
de forces extérieures, etc.).
Pourrriez-vous nous faire part de votre
position pour le référendum du 29 mai prochain
sur la Constitution européenne ?
Nous n’avons pas, en tant que rédaction, de positions
sur la future constitution européenne. Tout en étant
critiques, comme l’exige la démarche scientifique,
devant tel ou tel aspect de la constitution, et plus largement
devant le processus d’intégration européenne
lui-même, je pense, personnellement, que la répartition
de notre rédaction entre partisans du “oui”
ou du “non”, si nous posions la question à
ses membres, ne serait pas très éloignée
de la moyenne française. Pour ce qui est de nos correspondants
dans les autres pays de l’Union européenne, il
me semble également que les proportions seraient semblables.
Je pense que cela prouve que notre revue n’est pas une
revue militante, mais une revue qui permet à des chercheurs,
à des acteurs sociaux, et, pourquoi pas, aussi à
des militants, d’opinions différentes je l’espère,
de trouver des informations utiles ou de faire connaître
leurs analyses novatrices. Notre objectif est de privilégier
l’originalité et la curiosité intellectuelle
ou artistique. C’est sur ces critères que nous
aimerions être jugés.
Propos recueillis par David Chelly.
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