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Entretien avec Arsène Kalaidjan, fondateur des
sites Armenweb et imprescriptible.fr
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Pouvez-vous nous présenter votre
site ? Quand l’avez-vous créé et d’où
vous est venue l’idée de le faire ?
La loi de la République française du 29 janvier
2001 relative à la reconnaissance du génocide
arménien de 1915 a suscité une violente campagne
de contestation et de négationnisme sur les sites Internet
turcs francophones. Ce négationnisme, révoltant
pour ma conscience, m’a amené, à m’investir
pour mettre à la disposition des internautes francophones,
documents et témoignages sur ce premier génocide
du XXe siècle.
Le site IMPRESCRIPTIBLE,
d’abord en sous-domaine du site « Armenweb
» en 2001 a officiellement été créé
en 2004 ; il enregistre maintenant 250 visiteurs journaliers.
L’éminent spécialiste du génocide
arménien, le Professeur Yves Ternon, m’avait approuvé
en permettant la mise en ligne de son livre « Enquête
sur la négation d’un génocide » publié
en 1989.
Depuis j’ai reçu le renfort de Monsieur Alain
GERARD. Tout comme le Professeur Yves TERNON il n’a aucune
affiliation avec le monde arménien ; cependant sensibilisé
par ses lectures, il a voulu, dans sa quête de vérité,
m’apporter son aide.
De proche en proche, il en a considérablement enrichi
le contenu, par ses découvertes de documentation et par
l’apport de différents auteurs de textes et vidéos.
Il a fait d’« IMPRESCRIPTIBLE » un site incontournable
recevant de multiples messages d’enseignants et aussi
d’insultes. Ce site doit vraisemblablement déranger
puisqu’il a été plagié sous le même
nom mais enregistré à l’étranger.
Quelles perspectives d’intégration
ou de partenariat voyez-vous entre l’Arménie et
l’Union européenne ? Où en est la collaboration
entre les deux entités ? L’Arménie est-elle
intéressée par l’Union européenne
ou est-elle davantage tournée vers la Russie et la CEI
?
Tout d’abord il faut rappeler que Guy de Lusignan (famille
de la grande noblesse française) devint le dernier roi
d’Arménie sous le nom de Léon VI en 1374.
Il repose à Saint-Denis, aux côtés des rois
de France. L’Arménie a toujours été
proche de la France. L’Arménie a des représentants
au Conseil de l’Europe à Strasbourg et auprès
de l’Union Européenne à Bruxelles ; ceci
traduit bien la volonté de l’Arménie d’être
ancrée à l’Europe et peut-être un
jour, d’être membre à part entière.
L’Arménie vit dans un contexte géopolitique
pas toujours bienveillant ; le blocus économique exercé
par la Turquie et l’Azerbaïdjan est d’ailleurs
toujours en vigueur. Tout naturellement l’Arménie
se tourne vers la Russie, premier partenaire commercial et où
vivent plus de 2 millions d’Arméniens.
Les choses se compliquent concernant l’entrée
de la Turquie dans l’Union européenne : l’UE
et sa société civile ne sont pas unanimes. Quelle
est votre opinion sur l’entrée de la Turquie dans
l’UE ?
La Turquie a progressé dans son développement
économique et culturel ; dans le même temps les
pays européens ont modifié leur mode de vie ;
l'écart entre les deux civilisations demeure très
important ; cette inadéquation porterait en germe des
incompréhensions voire des confrontations. D’ailleurs
beaucoup de citoyens turcs, plutôt nationalistes, voient
mal leur pays assujetti à des règles décidées
par des instances supérieures et sont contre l’entrée
de leur pays dans l’UE que les religieux jugent en outre
« permissive ».
En outre je vois mal un pays refusant d’assumer son histoire,
refusant de reconnaître un pays membre de la famille européenne,
avoir sa place parmi elle.
Que pensez-vous que la « pression
» de l’UE et de la communauté internationale
sur le gouvernement turc pour la reconnaissance du génocide
arménien ?
Il est satisfaisant de constater que de plus en plus de pays
privilégient au droit des affaires, les droits de l’homme.
Les Etats-Unis, auraient un poids important dans cette reconnaissance
mais ils n’ont jusqu’à présent pas
franchi le pas. Mais à mes yeux, cette reconnaissance
ne sera pas suffisante. Le nationalisme turc n’acceptera
jamais d’assumer son histoire.
La reconnaissance par la Turquie de son histoire, remettrait
en cause des fortunes acquises. Car le génocide arménien
fut aussi un génocide « crapuleux » ; sans
parler des spoliations et l’appropriation des territoires
de l’Arménie historique que le Traité de
Sèvres lui restituait, mais qui est resté lettre
morte par l’inconséquence de l’Angleterre
et de la France.
C’est de l’intérieur même du pays
que viendra un jour l’honneur retrouvé ; des voix
s’élèvent, des initiatives sont prises dans
la société civile souvent dans des conditions
dangereuses pour ses auteurs. Mais le chemin sera long.
Quel rôle l’Internet joue dans
la reconnaissance du génocide arménien ?
Internet est effectivement un moyen de communication, pas souvent
efficace à en juger par les propos de Parlementaires
qui m’ont été rapportés, avant le
vote à l’Assemblée Nationale sur le génocide
; ils on été soumis à une avalanche de
courriels de contestation du génocide arménien
; ces messages ont eu pour effet de renforcer la détermination
de députés.
Il y a eu, également, la jurisprudence liée au
droit de l’Internet dans l’affaire de la publication
du communiqué de l’Ambassade turque sur le non
lieu du génocide arménien. – Pouvez-vous
commenter ce qui s’est passé ?
Vous avez certainement lu sur le site de JURISCOM
les motifs du rejet par le TGI de plaintes déposées
à l’encontre du Consul de Turquie, hébergé
en France par Wanadoo, pour avoir fait apparaître des
propos négationnistes dans un pays ayant reconnu le génocide
de 1915.
Le juge dans sa conclusion déclare :
Puisqu’il ne résulte pas d’une violation
de la loi pénale, le caractère manifestement illicite
des documents litigieux ne peut être la conséquence
que d’un manquement délibéré à
une disposition de droit positif explicite et dénuée
d’ambiguïté.
Les diverses normes internes ou internationales ou décisions
des juges constitutionnel et administratif invoquées
par l’association demanderesse et qui posent en principe,
notamment, le respect de la dignité de la personne humaine
ne peuvent donc être retenues à ce titre, dès
lors qu’il ne peut en être déduit, avec l’évidence
requise par les dispositions de la loi du 21 juin 2004 [pour
la confiance dans l'économie numérique], que la
négation du génocide arménien en caractériserait
manifestement une violation."
Il en découle que la seule loi du 21 janvier 2001 n’est
pas suffisante pour empêcher le négationnisme du
génocide arménien en France et que le champ d’application
de la loi Gayssot est restreint à la Shoah.
Pour ces raisons un groupe de parlementaires a déposé
une proposition de loi relative à « l'incrimination
pénale de la contestation publique des crimes contre
l'humanité, » dont on peut trouver le texte ici.
Pourriez-vous nous dire un mot sur le rôle
de l’Internet en Arménie aujourd’hui ?
L’Arménie est un pays à petit budget ;
Internet est loin d’être entré dans tous
les foyers ; cependant il existe des clubs à tous les
coins de rue, fréquentés essentiellement par les
jeunes.
Toutes les administrations, les grandes entreprises, ont leur
site mais les hommes politiques n’éprouvent pas
encore le besoin d’avoir le leur, certainement pour la
raison du faible niveau d’équipement des foyers.
Il y a très peu de sites personnels ; concernant les
problèmes de signature ou de vote électronique
il devrait en être question dans l’avenir ; une
proposition de loi devait être déposée sur
ces sujets.
“The Guide to the Armenian Information Technology Companies
(Second Edition)” est accessible à partir du site
suivant.
Il traduit le niveau de développement des nouvelles technologies.
Les banques ont un système de paiement électronique
avec la carte « Arca » ; les habitants peuvent également
régler leurs consommations d’eau, de gaz, d’électricité,
de téléphone, au moyen de cartes de paiement rechargeables,
etc.
A noter également que l’Arménie a été
le premier pays à avoir développé le visa
électronique pour les voyageurs étrangers.
Propos recueillis par Helena Chelly, le
8 octobre 2005
Plus d'informations :
http://www.armenweb.org
http://www.imprescriptible.fr
http://perso.magic.fr/jaki.aladin
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